|
Retracer l'histoire militaire de l'Algérie est
sans nul doute une entreprise qui paraît contradictoire, tant ce
pays, jadis la Numidie ou le Maghreb central, loin de convoiter
les contrées voisines ou lointaines, n'aspirait qu'à vivre dans
ses frontières.
C'est pourquoi son histoire militaire est celle d'un peuple qui
de l'Antiquité à l'occupation française a, dans son instinct de
liberté et son ardent désir d'indépendance, lutté contre les convoitises
étrangères. En dépit de la configuration de son territoire et des
données géographiques et économiques lui imposant un certain fractionnement
et un mode de vie qui n'allaient pas dans le sens de la centralisation,
comme ce fut le cas de l'Egypte ou le Nil avait créé l'unité nationale,
en dépit d'autres facteurs de désintégration suscités par les dominations
étrangères, le peuple algérien avait réussi, grâce précisément à
cet esprit d'indépendance, à s'unir pour s'opposer a l'envahisseur.
Il constitua dès l'Antiquité de puissants royaumes qui, durant de
longues décennies, luttèrent contre la colonisation carthaginoise
et romaine. Mais souvent l'instinct de liberté et l'absence de facteurs
d'union " nationale " reprenaient le dessus et le forcèrent à reformer
ses tribus-nations incapables d'opposer un front aux hordes d'invasion
vandales et byzantines.
Ce n'est qu'au VIIe siècle qu'il trouva en l'Islam, qui par essence
est l'unificateur des hommes, l'élément auquel ne pouvaient s'opposer
les facteurs de désunion. Après l'inévitable choc des armes à l'orée
de la conquête, les Algériens berbères et les conquérants arabes
se retrouvèrent unis en un seul peuple régi par les lois coraniques
et vivant au sein d'une civilisation à dimension universelle.
L'éclatement de l'unité politique du monde musulman en Orient devait
nécessairement avoir des répercussions au Maghreb ; et toutes les
fois qu'une nouvelle identité naissait dans les diverses capitales
de cet Orient, des tensions tiraillaient le Maghreb pour l'obtention
de son adhésion à cette identité. Des royaumes aux différentes obédiences
vécurent et disparurent au gré des rapports de forces et des fluctuations.
Des empires indépendants, rejetant toute tutelle, avaient également
vu le jour et disparurent, laissant encore une fois les populations
algériennes retourner à cet émiettement tribal, par delà les principes
unitaires de l'Islam.
C'est aussi le retour des convoitises étrangères. Et, devant le
danger de l'envahisseur, ce fut aussi le retour à l'Islam qui sauva
la " nation " éparpillée par l'épée des Turcs. Mais ces derniers,
quoique ayant maîtrisé la mer où se jouait le sort des nations faibles
autour de la Méditerranée, ne s'adonnèrent pas à l'organisation
et à la consolidation de la nation. Et, affaibli par les luttes
intestines, incapable de se hisser au niveau du développement en
cours dans le monde occidental et auquel il croyait pouvoir faire
face, l'Etat disparut au premier choc sérieux contre la puissance
française. C'est alors le début d'une longue série de soulèvements
du peuple, qui durèrent plus d'un siècle. Soulèvements violents
et spontanés, soubresauts anarchiques, insurrections sporadiques,
certes, mais ils traduisaient la permanence de cet esprit d'indépendance
et le refus de soumission. Enfin, dans un sursaut dépassant les
tiraillements et les ambitions fractionnaires, le peuple retrouva
son unité et chassa l'envahisseur français. Le prix en fut élevé.
La leçon qu'il reçut est certainement que la liberté sans la force
de l'unité nationale est un vain mot.
|
|